Chapitre 23

Greffes et Transplantations

       

 

I – lntroduction

 

AGénéralités

 

Depuis la première transplantation rénale en 1956, les transplantations d'organes ont bénéficié de progrès remarquables dans les techniques chirurgicales, les connaissances des systèmes d'histocompatibilité et les traitements immunosuppresseurs. Les indications des transplantations se sont peu à peu précisées, de sorte que ce traitement est aujourd'hui couramment pratiqué en cas de défaillance irréversible d'un organe ou d'un tissu. A titre d'exemple, on pratique chaque année en France près de 2000 transplantations de rein, 600 transplantations de cœur, 500 transplantations de foie et près de 800 greffes de moelle osseuse. Les durées de survie du transplant se sont remarquablement accrues à moyen terme : 90% à 1 ans, et 70% à 5 ans pour les transplantations rénales et cardiaques, mais l'évolution à long terme (10 à 20 ans) pose encore de nombreux problèmes non résolus.

 

BDéfinitions

 

Le terme transplantation désigne le prélèvement d'un organe sur un donneur et son implantation chez un receveur avec rétablissement de la continuité vasculaire (Ex : cœur, poumon, foie, rein).

Le terme greffe est utilisé pour des tissus lorsqu'il n'y a pas d'anastomose vasculaire (greffe de moelle, greffe de cornée).

On parle d'autogreffe lorsque le donneur et le receveur sont le même individu, de greffe syngénique lorsqu'il sont génétiquement identiques (jumeaux monozygotes), d'allogreffe lorsqu'il sont génétiquement différents mais de la même espèce et enfin de xénogreffe lorsqu'ils appartiennent à des espèces différentes.

La transplantation est orthotopique si l'organe est implanté chez le receveur dans la position anatomique qu'il occupait chez le donneur. Dans le cas contraire, il s'agit d'une transplantation hétérotopique.

 

Figure 1 : La réaction de rejet est contrôlée par la relation génétique entre le donneur et le receveur.

 

Figure : Immunologie, I. Roitt, 1994 , DeBoeck Université

 

Le devenir du transplant dépend essentiellement de la réaction immunologique du receveur vis-à-vis d'antigènes de transplantation propres du donneur et portés par le greffon. Parmi les substances antigéniques faisant l'objet d'un polymorphisme au sein de l'espèce, la transplantation a permis d'identifier un ensemble d'antigènes tissulaires codés par des gènes alléliques définissant des systèmes d'histocompatibilité :

-  Les groupes sanguins ABO et Lewis

-  Le complexe majeur d'histocompatibilité codant les molécules de classe I et II du CMH

-  Les antigènes mineures d'histocompatibilité codant des superantigènes (MLS)

 

La réaction immunologique du receveur dirigée contre les antigènes portés par le greffon met enjeu

- des cellules T

-  des Ac

 

La réaction immunologique va induire des lésions tissulaires et des perturbations des fonctions biologiques du transplant décrites sous le nom de réaction de rejet. Le rejet peut être suraigu, aigu ou chronique. Lorsque le receveur est incapable de rejeter un greffon allogénique, à la suite d'un déficit immunitaire pathologique ou thérapeutique, et si ce greffon contient des lymphocytes T, ces derniers peuvent reconnaître les Antigènes du receveur et induire une réaction du greffon contre l'hôte (GVH : Graft versus host reaction).

 

II – Aspects cliniques de la transplantation

 

A Donneur

 

II existe deux types de donneurs

Donneurs vivants

Moelle osseuse, rein

Donneurs en état de mort cérébrale

Tous les autres prélèvements.

 

Chaque donneur fait l'objet d'un typage ABO, Rhésus, HLA-A, B, DR ainsi que des examens destinés à éviter la transmission d'infections : HBV, HCV, HIV, HTLV, CMV.

 

Les règles de sélection du receveur sont un compromis entre

-  Les facteurs immunologiques

-  Le caractère plus ou moins urgent de la transplantation

-  Le délai de conservation de l'organe

 

Les transplantations d'organes sont toujours faites en compatibilité ABO. On évite ainsi les lésions du greffon dues aux anticorps naturels anti-A et anti-B. On réalise un cross-match lymphocytaire destiné à rechercher la présence d'Ac anti-HLA dirigés contre les antigènes du greffon et produits par le receveur après grossesse, transfusion sanguine ou greffe. Un cross-match positif est une contre indication à la transplantation d'organe.

Bien que le pourcentage de survie du greffon à long terme augmente légèrement en fonction du nombre d'identités HLA-A, B, DR entre donneur et receveur, les incompatibilités au niveau des produits de ces locus ne sont jamais une contre indication à la transplantation d'organe. Les greffes de moelle osseuse sont le plus souvent pratiquées entre frère et sœur génotypiquement HLA identiques, sans tenir compte des groupes sanguins ABO. 0n peut utiliser des donneurs semi-identiques et surtout des volontaires non apparenté phénotypiquement identique ou très proches du receveur, avec identité des gènes de classe II et si possible une réaction lymphocytaire mixte faible ou nulle.

 

Figure 2 : Cross-match lymphocytaire.

 

Figure : Immunologie, JP. Revillard, 1994 , DeBoeck Université

 

 

B Conditionnement du greffon

 

 

Les organes sont débarrassés du sang qu'ils contiennent par lavage à 40°C avec une solution tamponnée de composition proche de celle du milieu intracellulaire. Les organes peuvent alors être conservés quelques heures (4 à 6 heures pour le foie et le cœur, 30 heures pour le rein).

 

Les suspensions de cellules hématopoïetiques destinées aux greffes de moelle peuvent faire l'objet d'un conditionnement particulier : Elimination ou séparation de différents types cellulaire grâce à des Ac monoclonaux par exemple. Ces méthodes sont utilisées pour éliminer des cellules tumorales dans les autogreffes de moelle et pour diminuer la contamination en lymphocytes T matures dans les allogreffes. Les allogreffes de moelle appauvrie en cellules T matures induisent moins de réaction de greffon contre l'hôte mais semblent être moins efficaces pour la prévention des rechutes de leucémies.

 

C Devenir du greffon chez le receveur : Rejet et GVH

 

1 Greffe de cellules souches hématopoïétiques

 

 

Autogreffes de moelle osseuse

S'adressent à des malades atteints de différentes formes de cancers métastatiques ou de myélomes résistants aux autres traitements. On réalise un prélèvement de moelle osseuse qui sera congelé après élimination des cellules tumorales. Le malade est alors traité par radiothérapie/chimiothérapie à dose léthale ou supraléthale puis on lui re-injecte sa propre moelle. Le délai de reconstitution hématopoïétique est comparable à celui d'une allogreffe mais il n'y a évidemment pas de réaction du greffon contre l'hôte.

 

Allogreffes

Dans l'immense majorité des cas, les allogreffes de moelle osseuse sont réalisées chez des malades atteints de leucémies aiguës ou chroniques chez des sujets âgés de moins de 50 ans en première rémission. Ces malades sont soumis à un protocole d'immunosuppression  majeure  associant  irradiation  totale  et  chimiothérapie immédiatement avant la greffe. La reconstitution hématopoïétique puis immunologique est progressive. Elle peut être accélérée par administration de facteurs de croissance. Le déficit en anticorps est corrigé par un traitement substitutif par lgIV.

 

Les principales complications de ces greffes sont la survenue de réaction du greffon contre l'hôte, d'infection et de tumeurs. La réaction aiguë du greffon contre l'hôte se caractérise par de la fièvre, des manifestations cutanées (érythrodermie), une hépatite cholestatique (ictère) et des lésions intestinales (diarrhées). A l'examen, on note une splénomégalie et des adénopathies. Ces formes aiguës sont en général réversibles après administration d' immunosuppresseurs.

Les GVH chroniques induisent des signes cutanés, hématologiques et des manifestations auto-immunes par activation polyclonale des lymphocytes B.

Les infections sont des infections opportunistes à virus du groupe de l'herpès, des bactéries encapsulées ou des protozoaires. Des lymphomes B souvent associés au virus d'Epstein-Barr peuvent apparaître sous immunosuppression intensive ou dans le cadre d'une GVH chronique.

 

 

Figure 3 : Méthode de conditionnement du receveur avant greffe de moelle.

 

Figure : Immunologie, JP. Revillard, 1994 , DeBoeck Université

 

2 Autres greffes de tissus

 

Les greffes de cornée

Relativement bien tolérées, elle peuvent néanmoins donner lieu à des réactions de rejet avec kératites et opacification par infiltration cellulaire de l'endothélium. Elles ne nécessitent qu'un traitement corticoïde local par collyre.

 

Les greffes de peau allogéniques

Le rejet se caractérise par un épaississement et une induration au jours 7 par infiltration peri-vasculaire du derme par des cellules mononucléées puis d'une nécrose au jour 10 suivie de l'élimination du greffon. Elles sont surtout utilisées pour aider la cicatrisation des brûlures étendues grâce à leur apport de facteurs trophiques pour Pépidermisation. En cas de brûlure peu étendue, on peut réaliser des greffes autologues qui ne sont pas rejetées. Dans aucun de ces deux cas on administre de traitement immunosuppresseur.

 

Les greffes d’os humain et les greffes valvulaires de porc

Elles ne donnent pas lieu à un rejet immunologique car elle ne comportent pas de tissu immunogénique : Le tissu vivant de l'os (ostéoclastes, ostéoblastes, vaisseaux, moelle) est détruit et seule la matrice protéino-calcique est utilisée. Les valvules cardiaques de porc sont traitées par des agents qui détruisent les cellules et dénaturent les protéines de surface immunogènes. Ces tissus n'étant pas immunogéniques, aucun traitement immunosuppresseur n'est administré.

 

3 Principales indications des greffes de tissus

 

Allogreffes de cornées

- Cornées non inflammatoires (90 % des cas, 90-95 % succès)

. œdème cornéen (pseudophaque)

. malformation (kératocône)

. séquelles traumatiques

. séquelles infectieuses (herpès)

- Cornées hypervascularisées (10 % des cas, 50 % de succès)

amélioration par : greffons HLA compatibles, traitement immunosuppresseu

- Urgence en cas de perforation de la cornée

 

Allogreffes cutanées

Grands brûlés (surface > 50 %, 3' degré)

Couverture transitoire par allogreffe :

. permet la survie

. rejet après 10-20 jours

. remplacement par autogreffe, allogreffe en culture

ou sandwich d'autogreffe à large maille avec allogreffe

 

Allogreffes osseuses

- Pertes de substances segmentaires :

. résection de tumeurs malignes osseuses

. traumatismes majeurs

. changement de prothèses avec dégâts majeurs

- Comblements de cavités :

. tumeurs bénignes

. reconstruction du cotyle pour arthroplastie

. traumatismes épiphysaires

. comblement pour fusion en compression (dèses, ostéotomies)

 

Allogreffes vasculaires

- Allogreffes artérielles (aorto-iliaques ou distales) :

. infection de prothèses vasculaires (aorte : mortalité diminuée de 40 à 13%)

. revascularisation distaie (ischémie sous-poplitée) en l'absence de veine

autologue

- Allogreffes veineuses (stripping) :

. revascularisation distale (ischémie sous-poplitée) en l'absence de veine

autologue

. accès vasculaire pour hémodialyse (fistules artério-veineuses)

. maladie de Lapeyronie

 

Allogreffes valvulaires cardiaques

- Avantages par rapport aux valves mécaniques ou aux xénogreffes :

. meilleure performance hémodynamique, absence d'hémolyse

. absence de traitement anticoagulant prolongé

. meilleure résistance à l'infection

. longévité supérieure à celle des xénogreffes

- Indications privilégiées :

. infection valvulaire (Osier)

. remplacement de prothèse infectée

. enfant (traitement anticoagulant mal toléré)    

 

4 Le rejet allogénique

 

Contrairement à un certain nombre de greffes tissulaires, toutes les transplantations d'organes allogéniques sont soumis à un traitement immunosuppresseur, maintenu tant que le transplant demeure fonctionnel. Les doses d'immunosuppresseur seront progressivement diminuées au cours du temps (phénomène d'adaptation du greffon) mais jamais interrompus.

 

Le rejet suraigu

II est exceptionnellement observé. Il est dû à la présence d'Ac d'alloimmunisation anti-HLA chez le receveur. Il se manifeste dans les minutes qui suivent le rétablissement de la continuité vasculaire par un infarctus du transplant. L'un des mécanismes de ces rejets suraigus est la fixation sur l'endothélium vasculaire d'Ac d'allo-immunisation anti-HLA chez le receveur. Ces rejets sont évités par la pratique systématique du cross-match lymphocytaire. Des rejets suraigus peuvent néanmoins survenir en l'absence d'Ac préformés détectés par le cross-match lymphocytaire.

 

Le rejet aigu

II survient à partir du 4éme jours après la greffe et se traduit par des signes généraux (fièvre, malaise), des signes fonctionnels ou biologiques qui dépendent de l'organe transplanté : hypertension artérielle, oligourie, élévation de lacréatinine dans le cas d'une greffe de rein.

Le mécanisme essentiel est une infiltration du greffon par les cellules T du receveur avec réaction immunitaire à médiation cellulaire. La biopsie du transplant montre l'infiltration péri-vasculaire  de  cellules mononucléées.  On observe  en outre  une augmentation des antigènes de classe II du CMH sur l'endothélium du greffon consécutive à la production locale de cytokines (IFN-g). Les crises de rejet aigu constituent une urgence médicale. Leur réversibilité dépend de la précocité de leur traitement.

 

Le rejet chronique

II se traduit par la détérioration lente, progressive et irréversible du greffon. Les lésions histologiques associent une fibrose péri-vasculaire et interstitielle et des lésions vasculaires.

 

Figure 4 : Diagnostic du rejet aigu en transplantation d’organe.

 

Figure : Immunologie, JP. Revillard, 1994 , DeBoeck Université

 

III – Immunologie du rejet d’allogreffe

 

A Modèles animaux : lois de la transplantation

 

 

L'utilisation de lignée de souris consanguines, homozygotes au niveau du CMH, a permis de réaliser des observations connues sous le nom de lois de la transplantation, qui s'appliquent aux animaux non traités par des immunosuppresseurs.

 

1 Transplantation d’organe ou de tissu

 

 

Les greffes entre deux souris d'une même lignée (ayant le même CMH) n'induisent pas de rejet.

 

Les greffes entre deux lignées incompatibles au niveau de leur CMH induisent un rejet aigu constant en 8 à 10 jours. Une deuxième greffe du même donneur est rejeté de façon accélérée (5 à 6 jours) ce qui traduit l'induction d'une mémoire immunitaire spécifique des Ag du CMH du donneur.

 

Les greffes de chaque lignée parentale a un hybride FI de première génération sont acceptées, alors que les greffes d'un organe provenant de l'hybride aux parents sont rejetées. Ce phénomène correspond au fait que l'expression des produits du CMH des deux haplotypes a et b de l'hybride est codominante ; chaque cellule de l'organisme expriment les Ag des deux lignées parentales.

 

Le rejet est dû aux lymphocytes T. Il n'apparaît pas chez les souris athymiques.

 

Figure 5 : Loi de la transplantation

 

Figure : Immunologie, I. Roitt, 1994 , DeBoeck Université

 

 

2 Greffe de moelle

 

L'injection de moelle osseuse ou de cellules lymphoïdes T matures (cellules spléniques) de A à B est rejetée.

 

Si le receveur est un souriceau nouveau-né dont le système immunitaire n'est pas encore mature, il se produit une réaction du greffon contre l'hôte.

 

L'injection de cellules lymphoïdes d'une lignée parentale A ou B à un hybride F1(AxB) induit de même une GVH car l'organisme de l'hybride est génétiquement incapable de rejeter les cellules T du greffon.

 

Des phénomènes analogues sont observés lors de la reconstitution d'un receveur, irradié à dose léthale, à l'aide de cellules médullaires d'un donneur histo-incompatible au niveau du CMH.

Si le greffon contient à la fois des cellules T CD4+ et CD8+ on observe une GVH aiguë. S'il contient seulement des cellules CD8+ ou CD4+, ou bien si l'histoincompatibilité ne concerne que les gènes de classe I ou de classe II du CMH, cette GVH peut être prolongée.

 

L'injection de cellules souches hématopoïetique d'une souris A à des souriceaux nouveau-né B, est susceptible d'induire un microchimérisme accompagné d'une tolérance vis-à-vis des greffes de tissu du donneur A, malgré l'immunocompétance démontrée par le rejet dans des délais normaux d'une greffe d'une autre lignée C.

 

Des expérience analogues ont été réalisées chez l'adulte par injection de cellules de moelle osseuse d'un donneur A à un receveur allogénique traité par irradiation lymphoïde totale ou par administration d'anticorps anti-lymphocytaires. Dans ces expériences, la tolérance existe tant que persiste le chimérisme lymphoïde.

 

Figure 6 : Réaction du greffon contre l’hôte

 

Figure : Immunologie, I. Roitt, 1994 , DeBoeck Université

 

 

 

B Modèles in vitro de la réaction d’allogreffe

 

 

La réaction lymphocytaire mixte comporte l’activation, la transformation et l'expansion clonale des cellules T alloréactives CD4+ spécifiques de l'un des antigènes HLA de classe II des cellules stimulantes. Elle s'accompagne de l'expansion des cellules alloréactives CD8+ reconnaissant des Ag HLA de classe I.

 

Le rôle relatif des sous populations de cellules T dans la réaction de rejet peut être étudié chez des animaux athymiques. L'injection de cellules CD4+ chez des souris athymiques entraîne le rejet aigu des allogreffes de peau. Les lymphocytes T CD8+ naïfs provenant d'un donneur non sensibilisé, n'ont pas cet effet, sauf si ils sont mélangés avec un petit nombre de cellules T CD4+.

 

L'importance des CD4+ peut être démontrée par l'injection d'Ac anti-CD4 conduisant à la prolongation de la survie du greffon.

 

Figure 7 : Rôle des différentes sous-populations lymphocytaires T dans la reaction de rejet d’allogreffe.

 

Figure : Immunologie, I. Roitt, 1994 , DeBoeck Université

 

C Reconnaissance directe et indirecte.

 

Les lymphocytes T CD4+ sont activés par les CPA exprimant les molécules de classe II du CMH. Les CPA impliquées dans le rejet allogénique sont essentiellement celles du donneur. Les cellules dendritiques provoquent l’activation directe des lymphocytes T du receveur. Au cours de leur différenciation dans le thymus, les lymphocytes T ont acquis la propriété de reconnaître, via leur récepteur pour l’antigène (TcR), des complexes formés de peptides étrangers liés à des molécules de CMH autologues. Cette « restriction allogénique » de la reconnaissance semble donc être antinomique d’une reconnaissance directe entre le TcR d’un lymphocyte T du receveur et un complexe peptide-CMH allogénique présent à la surface de la CPA du donneur. En fait, au cours de la réponse directe, le TcR du lymphocyte T du receveur ne réagit pas contre le complexe peptide-CMH allogénique présent à la surface de la CPA du donneur mais contre l’un des constituant du complexe pris individuellement. Ainsi, au cours de la réponse directe, deux types d’interactions peuvent avoir lieu  entre le lymphocyte T du receveur et la CPA du donneur. D’une part, si le peptide fixé sur la molécule de CMH allogénique présente une très forte affinité pour le TcR d’un lymphocyte T du receveur, cette interaction peut être suffisante pour activer le lymphocyte T. Une telle propriété ne peut avoir lieu dans le contexte du CMH du soi puisque les complexes CMH-peptide de très forte affinités ont été éliminés au cours de la sélection négative thymique. Toutefois, deux molécules de CHM distinctes présentent un spectre de  peptides très différents ce qui explique que certains peptides complexé aux molécules de CMH allogéniques et présentés à la surface de la CPA du donneur puissent activer directement certains lymphocytes T du receveur. Ce type de reconnaissance directe est appelé reconnaissance directe peptide-dépendante. Alternativement, mais de façon moins fréquente, il existe une reconnaissance directe appelée CMH-dominante dans laquelle le TcR de certains lymphocyte T du receveur reconnaissent des régions conservées présente sur la molécule de CMH allogénique. Dans ce cas l’activation du lymphocyte T est indépendante du peptide fixé sur les molécules de CMH allogéniques et dépend de la densité des molécules de CMH allogéniques présentent à la surface des CPA du donneur. L’action conjointe de ces deux mécanismes de reconnaissance directe explique la grande fréquence des lymphocytes T allogéniques présents chez un individu (1 à 10% de l’ensemble des lymphocytes T)  et explique la violence de la réaction de rejet de greffe allogénique

Les CPA du receveur peuvent aussi capter des Ag provenant du greffon et les présenter par les molécules de classe II autologues aux lymphocytes T spécifiques. Cette voie de présentation est appelée voie de présentation indirecte.

L'activation directe stimule davantage la réaction de rejet que la voie indirecte. Quelle que soit la voie d'activation, les lymphocytes ainsi activés vont produire des cytokines nécessaires à la prolifération et à la différentiation d'autres cellules engagées dans la réaction de rejet.

 

Figure 8 : Mécanisme cellulaire de la reconnaissance directe

 

Figure : Immunobiology, CA. Janeway, 1998 , Garland Publishing

 

Figure 9 : Reconnaissance directe et reconnaissance indirecte

 

Figure : Immunobiology, CA. Janeway, 1998 , Garland Publishing

 

 

 

D Mécanismes effecteurs de la réaction de rejet.

 

 

Trois mécanismes interviennent dans la génération des lésions du greffon : la production de cytokines, les cellules T alloréactives et les anticorps. Au cours du rejet aigu, les cellules CD4+ alloréactives stimulées par les Ag HLA de classe II portés par l’endothélium du greffon et les cellules dendritiques produisent un grand nombre de cytokines (IL-2, IFN-g et TNF-a) qui stimulent la production d'IL-1, d'IL-6, d'IL-8 et l'expression des molécules de classe II par les cellules endothéliales, augmentent la perméabilité vasculaire et provoquent l'infiltration caractéristique par les cellules mononucléées et, à plus long terme, la prolifération endothéliale. Les taux de TNF, d'IL-6 et de CRP sont augmentés dans le sérum. Ces lymphokines sont produites principalement par les cellules T CD4+ de type Th1. Les cellules Th2 produisent de l’IL-4 et de l’IL-10 qui diminuent la réponse à médiation cellulaire mais augmentent la synthèse d'allo-anticorps.

 

Les cellules T cytotoxiques détruisent les cellules du greffon par reconnaissance des HLA de classe I, adhérence et synthèse de perforine conduisant à la lyse de la cellule cible. En plus des cellules T cytotoxiques CD8+, les cellules NK stimulées par les cytokines participent aussi à la lyse du tissu cible. Au cours de l'exceptionnel rejet suraigu, les alloanticorps se fixent sur les Ag du greffon portés par l’endothélium vasculaire. Ils activent le système du complément et provoquent une réaction de rejet suraigu avec accumulation de plaquettes et de polynucléaires neutrophiles. A un taux plus faible, ces Ac contribuent avec les lymphocytes T à la formation des lésions vasculaires du greffon.

 

Figure 10 : Mécanismes effecteurs de la réaction de rejet

 

Figure : Immunologie, I. Roitt, 1994 , DeBoeck Université

 

 

IV – Thérapeutiques immunosuppressives

 

 

L'immunosuppression non spécifique atténue ou supprime l'activité du système immunitaire quel que soit l’Ag. Si ce type de thérapeutique est très efficace dans l'induction d'une immunosuppression il n'en reste pas moins que ces traitements induisent de nombreux effets secondaires infectieux notamment.

Les trois médicaments non spécifiques couramment utilisés sont la cyclosporine, les corticoïde et l'azathioprine

 

Les corticoïdes

Sont actifs par leurs propriétés anti-infiammatoire. Ils empêchent l'activation des CFA en diminuant l'expression des molécules du CMH. Ils inhibent bon nombre des effets de l'IFN-g sur les CFA et le greffon.

 

La cyclosporine (et le FK506)

La cyclosporine est un macrolide d'origine fongique produit par des micro-organismes du sol. L'effet principal de la cyclosporine est d'inhiber la production de cytokine par les lymphocytes T CD4+ helper et notamment la production d'IL-2.

 

L'azathioprine

Analogue de la 6-mercaptopurine. Son incorporation dans l'ADN des cellules en division bloque la prolifération.

 

Chacun de ces médicaments est actif en monothérapie mais seulement a forte doses, avec un risque d'effets secondaires importants. Lorsqu'ils sont associés, il ont une action synergique en bloquant différentes étapes de la réponse immune.

 

De nouveau médicaments non spécifiques mais plus sélectifs sont en cours d'étude. Des Ac monoclonaux contre des molécules de surface du lymphocyte : CD3, CD4, CD8 et le récepteur de I'IL-2 (CD25) peuvent être administrés pour détruire les cellules ou bloquer leurs fonctions. On peut coupler des molécules cytotoxiques à ces anticorps pour augmenter leur efficacité. On peut aussi produire des molécules de fusion associant I'IL-2 à une toxine.

 

Figure 11 : Thérapeutiques immunosuppressives

 

Figure : Immunologie, I. Roitt, 1994 , DeBoeck Université

 

V – Les xénogreffes

 

Le nombre de donneurs étant insuffisant pour subvenir aux besoins de greffe, on recherche actuellement, par des études expérimentales, comment utiliser des organes d'animaux. Ces xénogreffes peuvent être pratiquées entre espèce animales concordantes (entre espèce proche phylogénétiquement ex : singe-homme) il s'en suit un rejet aigu rapide en quelques jours. Les xénogreffes réalisées entre espèce animales discordantes on observe alors un rejet suraigu en quelques minutes.

Le premier obstacle aux xénogreffes est dû à la présence d'Ac naturels spécifiques (Ex : anti-Gal(a1-3Gal) qui se fixent sur l’endothélium du greffon et entraînent un rejet suraigu par activation du système complément et coagulation intra-vasculaire. Les recherches tentent d'identifier les molécules cibles de ces anticorps et à modifier l’endothélium du greffon pour rendre sa surface résistante à l'action du complément. L'une des possibilité est la création de porcs transgéniques exprimant la molécule DAF et CD59 au niveau des cellules endothéliales du greffon. Il semble que si l'on parvenait à empêcher  le  rejet  immédiat par les Ac et le complément, la réponse cellulaire T aux xénogreffes pourraient être contrôlée par les même immunosuppresseurs que ceux utilisés pour prévenir le rejet d'allogreffe.