Chapitre 24

METHODES EN IMMUNOLOGIE 

       

 

II – Mesure et utilisation des anticorps

 

       A – Mesure du titre d’un anticorps.

 

               A – 1 – Définitions

 

La présence d’un anticorps spécifique peut être mesurée par plusieurs méthodes différentes. Certaines d’entre elles mesurent la fixation directe de l’anticorps (Ac) sur l’antigène (Ag). Ces techniques sont basées sur des interactions primaires alors que d’autres détectent les changements physiques de l’antigène induit après la fixation de l’antigène et sont donc basées sur des interactions secondaires. Quoi qu’il en soit, ces deux types de tests peuvent être employés pour mesurer le titre et la spécificité des anticorps produits au cours de la réponse immunitaire. Ces tests ayant été utilisés historiquement pour détecter la présence d’anticorps dans le sérum de patients, on les appellent communément tests sérologiques. La quantité d’anticorps présente dans le sérum est déterminée par titrage de celui-ci en dilution limite. Le titre d’un sérum correspond à l’inverse de la dernière dilution positive. Il est à noter que certains auteurs définissent le titre d’un sérum comme la dilution donnant 50% de la réaction maximale observée. Ainsi chaque laboratoire devra fournir pour le test la définition utilisée pour calculer le titre du sérum.

 

Figure 1 : Mesure du titre d’un anticorps

 


                       

A – 2 – Méthodes directes de dosage des anticorps

 

Deux méthodes sont couramment utilisées pour mesurer la fixation directe des anticorps sur un antigène : Le RIA (RadioImmuno Assay), l’ELISA (Enzyme-Linked ImmunoSorbent Assay) et les techniques d’inhibition compétitives

 

                      A – 2 – 1 – RIA (RadioImmuno Assay)

 

L’antigène spécifique des anticorps que l’on veut détecter est préalablement marqué à l’iode 125. La préparation contenant l’anticorps est alors incubée avec l’antigène marqué. Les complexes Ag/Ac qui se forment en phase liquide sont alors précipités avec une solution de chlorure d’ammonium ou de polyethylèneglycol. Le culot de précipitation est ensuite lavé avec une solution saline et la présence de l’anticorps à doser est déterminée en mesurant la radioactivité présente dans le précipité et en la comparant avec une gamme étalon réalisée soit avec un sérum titré soit avec une préparation purifiée d’anticorps de concentration connue. Cette technique bien que relativement coûteuse et délicate car utilisant des produits radioactifs, présente l’avantage d’une grande sensibilité. En biologie clinique, cette méthode est encore employée pour détecter la présence d’anticorps anti-ADN natif chez les patients atteints de LED (test de Farr) ou pour la détection des anticorps anti-GAD chez les diabétiques.

 

Figure 2 : Technique de RIA

 

 

 

A – 2 – 2 – l’ELISA (Enzyme-Linked ImmunoSorbent Assay)

 

La technique ELISA, plus simple et moins coûteuse a presque totalement remplacé le RIA. La révélation du test n’utilise pas, comme dans le RIA de radioéléments mais est liée au clivage par une enzyme, d’un substrat incolore en un produit coloré. Pour détecter la présence dans un sérum d’un anticorps spécifique, l’antigène spécifique de l’anticorps à doser est déposé dans un puits à fond plat en plastique. L’antigène est dilué dans un tampon bicarbonate à pH 9,6 ce qui favorise les interactions électrostatiques entre l’antigène et le plastique de la plaque et permet la fixation stable de l’antigène au fond du puits. Des dilutions limites du sérum contenant l’anticorps à doser sont alors déposées dans les puits. Après un temps de contact suffisant, les puits sont lavés avec une solution saline de sorte que seuls les anticorps spécifiques restent fixés sur l’antigène et donc au plastique. on révèle la présence de l’anticorps fixé au fond de la plaque en déposant ensuite dans le puit un anticorps anti-Immunoglobuline marquée avec une enzyme qui peut être la phosphatase alcaline ou la peroxydase. Après lavage, il ne reste plus qu’à révéler la présence des anticorps spécifiques en ajoutant le substrat de l’enzyme ayant servie à marquer les anticorps anti-Immunoglobuline et à lire la réaction colorée.

 

Figure 3 : Principes de l’ELISA

 

 


                              A – 2 – 3 – Techniques d’inhibition compétitives.

 

Dans ce type de test, la présence et le titre d’un anticorps ou d’un antigène particulier est mesurée par sa capacité à entrer en compétition avec un anticorps de référence marqué par un radioélément ou une enzyme sur la fixation sur un antigène spécifique fixé sur une plaque. La courbe étalon est déterminée en ajoutant des quantités connues d’anticorps non marqué.

 

Figure 3 : Méthodes d’inhibition compétitive

 

 

 

 

 

 

 

 

               A – 3 –Dosage des anticorps par modification physique de l’antigène

 

La mesure directe de la fixation d’un anticorps sur un antigène est utilisée dans la plupart des tests sérologiques. Cependant, certains tests, important en pathologie humaine, sont basés sur la capacité d’un anticorps de modifier les propriétés physiques de l’antigène sur lequel il se fixe. Ces interactions secondaires peuvent être détectées de nombreuses manières.

 

                      A – 3 – 1 – Réaction d’agglutination.

 

Lorsque l’antigène est présent à la surface d’une grosse particule, les anticorps peuvent induire son agglutination. Elle est de réalisation particulièrement aisée avec les bactéries et les érythrocytes, ces derniers pouvant être utilisés directement ou comme support d’antigènes solubles fixés à leur surface (hémagglutination passive) Ce principe est couramment utilisé pour la détermination des groupes sanguins et est appelé réaction d’hémagglutination directe. Dans ce cas, l’agglutination est induite en incubant des anticorps anti-A ou anti-B avec des hématies du sujet à grouper. Si le sujet possède à la surface de ses globules rouges l’antigène A (patient du groupe A), on observera une agglutination avec les anticorps anti-A mais pas avec les anticorps anti-B.

 

Hémagglutination passive

Des hématies ou des particules inertes peuvent être recouvertes d’antigène et utilisées dans un test d’hémagglutination passive. Le couplage sur des hématies peut être obtenu par différents moyens, dont les plus classiques consistent à traiter les hématies par l’acide tannique, ce qui les rend capables de réagir spontanément avec des antigènes solubles comme des protéines ou des acides nucléiques, ou à les incuber avec les antigènes en présence de glutaraldéhyde. L’inhibition de l’hémagglutination passive par l’antigènes permet la quantification des antigènes.

 

Figure 4 : Principe de l’hémagglutination

 

 

 

 

 

                      A – 3 – 2 – Réactions de précipitation.

 

                                       A – 3 – 2 – 1 - Réaction de précipitation en milieu liquide.

 

Lorsque des quantités suffisantes d’anticorps sont mélangées avec un antigène soluble on peut observer une réaction de précipitation. Le précipité ainsi formé est composé de larges agrégats d’antigène reliés les uns aux autres par des molécules d’anticorps. La quantité de précipité dépend non seulement de la quantité d’anticorps et d’antigène mais aussi du rapport entre les deux protagonistes. En effet, dans la réaction de précipitation, si des quantités croissantes d’antigène soluble sont ajoutées à une quantité connue de sérum contenant l’anticorps à doser, on observe dans un premier temps une corrélation directe entre la quantité d’antigène apportée et la quantité de précipité. La courbe de précipitation atteint alors un maximum et si la quantité d’antigène augmente encore, on note que la quantité de précipité tend cette fois à diminuer. Lorsque de faibles quantités d’antigène sont ajoutées à l’anticorps, les complexes Ag/Ac sont formés dans des conditions ou l’anticorps est en excès. Ainsi, chaque molécule d’Ag est couplé à plusieurs molécules d’anticorps. Au fur et à mesure que la quantité d’antigène augmente, certains anticorps vont pouvoir lier plusieurs antigènes différents. A la zone d’équivalence, lorsque toutes les molécules d’Ac sont liées à deux molécules d’antigènes différentes, il se forme alors un grand réseau qui favorise la réaction de précipitation. Lorsque la quantité d’antigène est très élevée, seuls de petits complexes peuvent se former, la taille réduite de ces complexes favorise leur solubilité expliquant ainsi l’inhibition de la réaction de précipitation observée en excès d’antigène.

 

Figure 5 : Précipitation Ag/Ac en milieu liquide

 

 


La réaction de précipitation dépend intimement du nombre de sites de fixation que chaque anticorps possède pour l’antigène et par le nombre maximum d’anticorps qui peuvent se fixer sur l’antigène. Ces quantités sont définies comme étant la valence de l’anticorps ou de l’antigène. La valence de l’antigène ou de l’anticorps doit être au moins égale à deux pour qu’une réaction de précipitation puisse avoir lieu. La valence d’un anticorps dépend de sa classe et varie de 2 (IgA,G,E et D) à 10 (IgM). L’antigène ne sera précipité que s’il possède au moins deux sites de fixation pour l’anticorps. Cette condition est généralement obtenue avec des antigènes macromoléculaires dont la structure complexe permet la fixation de nombreux anticorps de spécificités diverses. Le site de l’antigène sur lequel vient se fixer un anticorps est appelé déterminant antigénique ou épitope.

 

Néphélémétrie

La précipitation de complexes antigène/anticorps en milieu liquide peut permettre un dosage très précis des antigènes. En effet, la formation de ces complexes entraîne une augmentation de la turbidité du milieu qui, à concentration d’anticorps constant, ne dépend que de la quantité de l’antigène à doser. Les variations de turbidité du milieu sont mesurées à l’aide d’un néphélémètre. Cet appareil possède un rayon laser dont le faisceau traverse la cuve où à lieu la réaction antigène/anticorps. L’augmentation de turbidité du milieu entraîne une déviation du faisceau qui est analysée par des photomultiplicateurs et comparée à la déviation obtenue avec des quantités connues d’antigène. On en déduit la quantité d’antigène présente dans l’échantillon à doser. Ce principe est couramment employé pour doser une multitude de protéines sériques comme par exemples les immunoglobulines ou les fractions du complément.

 

 

                                       A – 3 – 2 – 2 - Réaction de précipitation en milieu gélifié.

 

Lorsqu’un antigène et un anticorps sont introduits dans un milieu gélifié en des points différents, ils diffusent et des précipités peuvent se former au point de rencontre si le rapport des concentrations d’antigène et d’anticorps s’y prête. On distingue, selon le type de support sur lequel le gel est appliqué, l’immunodiffusion en tubes ou en plaques.

 

Immunodiffusion en tube

C’est historiquement la première des techniques d’immunoprécipitation en gel puisqu’elle a été décrite par Oudin en 1946. Le principe de la technique consiste à remplir un tube de verre avec un gel d’agar dans lequel un anticorps a été préalablement incorporé, puis à appliquer une solution d’antigène dans le tube. L’antigène progresse rapidement par simple diffusion dans le gel en créant un gradient de concentration. Si la concentration initiale d’antigène est suffisante, un précipité se forme au niveau du front de progression de l’antigène.

 

Immunodiffusion sur plaque (technique d’Ouchterlony)

L’adaptation en plaque de verre de la technique d’immunodiffusion en tube a représenté un progrès technique important. Les tubes sont remplacés par des plaques dans lesquelles sont creusés des puits. Les solutions d’antigènes et d’anticorps, placées dans des puits différents, diffusent librement dans le gel et donnent lieu à des précipités à la zone d’équivalence. Cette technique en plaque est plus simple à mettre en œuvre que la technique en tube. Elle a surtout l’avantage de permettre la comparaison directe de différentes préparations d’antigène. Il suffit pour cela de placer les diverses préparations antigéniques dans différents puits disposés sur un cercle dont le centre est creusé d’un puits où la solution d’anticorps est introduite.

Lorsqu’une préparation d’antigène est introduite simultanément dans deux puits adjacents, les traits de précipitation vont se rejoindre et fusionner. C’est la réaction d’identité. Si au contraire, deux solutions antigéniques différentes sont disposées dans deux puits adjacents, les traits de précipitation vont se couper. C’est la réaction de non identité. Enfin, si deux solutions antigéniques donnent lieu à des réactions croisées, les bandes vont fusionner mais on note cependant au delà du point de fusion des deux précipités, une projection qui prolonge le précipité formé par l’antigène. C’est la réaction d’identité partielle.

 

 

Immunodiffusion radiale (Technique de Mancini)

Un gel d’agar dans lequel un anticorps a été préalablement incorporé est déposé sur une lame de verre. La solution d’antigène qui est déposée dans un puits diffuse dans l’agar et donne lieu à la formation d’un halo de précipitation dont le diamètre extérieur est proportionnel à la concentration initiale d’antigène. Cette technique a été proposée par Mancini pour doser certains antigènes. Il suffit en effet de calibrer la méthode en utilisant des quantités connues d’antigène purifié.

 

Immunoélectrophorèse (Grabar et Williams)

Une autre application simple et très discriminative de l’immunodiffusion est l’immunoélectrophorèse. Le principe de la technique consiste à introduire un mélange d’antigènes dans un puits creusé dans une plaque d’agar et à appliquer un champ électrique pendant une à deux heures afin de séparer les molécules d’antigène selon leur mobilité électrophorétique. Le champ électrique est alors coupé et un antisérum polyspécifique est introduit dans une rigole parallèle au champ de migration de la préparation d’antigène. Les anticorps et les antigènes diffusent alors librement les uns vers les autres et donnent lieu à des précipités analogues à ceux décrits dans la méthode d’Ouchterlony. L’immunoélectrophorèse s’est révélée particulièrement spectaculaire pour l’analyse des protéines du sérum, permettant d’objectiver plus de 30 molécules différentes. De plus cette technique à longtemps été utilisée pour détecter la présence d’une immunoglobuline monoclonale dans le sérum de patient atteint par exemple de myélome multiple.

 

 

Immunoélectrophorèse en fusée (Technique de Laurell)

Dans cette technique, un anticorps spécifique de l’antigène à doser est incorporé dans une plaque de gel. Différentes dilutions de la préparation antigénique à doser sont réparties dans des puits alignés. Un courant électrique est alors appliqué perpendiculairement à la ligne des puits. Un halo en forme en fusée se forme et progresse tant que l’antigène est en excès. L’existance d’une relation linéaire entre la concentration d’antigène dans les puits et la hauteur du précipité permet d’utiliser cette technique pour un dosage très précis et très sensible des antigènes.

 

Contre-Immunoélectrophorèse (ou électrosynérèse)

C’est une technique proche de la précédente, où l’anticorps est distribué dans une ligne de puits parallèle à celle des puits contenant les antigènes. Un courant est appliqué perpendiculairement aux lignes des puits. Lorsque l’anticorps et l’antigène se rencontrent, il se forme un arc de précipitation.

 

               A – 4 – Réactions utilisants le complément

 

De nombreuses réactions sérologiques utilisent l’aptitude du C1q puis des autres composés du complément à se fixer sur les complexes immuns. Le complément présent dans le sérum initial est inactivé par chauffage à 56°C pendant 30 minutes, ce qui détruit le C1. Du complément est obtenu à partir d’une source standardisée. La fixation de ce complément peut être quantifiée en dosant la quantité de complément consommée au cours de la technique de déviation du complément. Au cours de cette méthode, une préparation antigénique étalonnée est incubée avec le sérum à tester et préalablement inactivé par chauffage. Du complément titré par dosage hémolytique est alors ajouté à la réaction et l’ensemble de ces réactifs est porté à 37°C pendant 30 minutes. A la fin de cette phase dite de fixation, on ajoute des hématies de mouton et un sérum anti-érythrocyte de mouton étalonné. Après une courte période d’incubation, on dose le complément consommé par la réaction. Si le sérum contient des anticorps fixant le complément et dirigés contre la préparation antigénique, l’activité du complément sera abaissée et l’hémolyse des hématies de mouton sera diminuée proportionnellement à cet abaissement.

 

 

 

       B – Utilisation d’anticorps anti-Immunoglobuline

 

Comme nous l’avons vu précédemment, un anticorps peut être détecté par fixation directe de cet anticorps préalablement marqué sur son antigène spécifique fixé sur un plaque de plastique. Une approche plus générale qui permet d’éviter le marquage préalable de chaque préparation d’anticorps consiste à détecter l’anticorps spécifique non marqué fixé sur son antigène immobilisé en utilisant des anticorps anti-Immunoglobuline (Ac anti-Ig) marqués. Des Ac anti-Ig peuvent être obtenus en immunisant des animaux avec des préparations pures d’immunoglobulines. Les Ac anti-Ig produits par l’animal sont alors purifiés du sérum par chromatographie d’affinité. Ces anticorps sont alors marqués avec un radioélément ou avec une enzyme puis utilisés comme réactifs pour détecter des anticorps fixés.

Robin Coombs a été le premier à utiliser des Ac anti-Ig pour détecter les anticorps responsables de la maladie hémolytique du nouveau né. Les femmes Rhésus négatif peuvent s’immuniser contre cet antigène (Rhésus) si elles sont exposées, le plus souvent au moment de l’accouchement, avec des hématies fœtales Rhésus+. Dans ce cas, la femme Rhésus- va produire des anticorps anti-Rhésus. Si au cours d’une grossesse ultérieure, le fœtus est Rhésus+, les IgG anti-Rhésus de la mère vont pouvoir traverser la barrière placentaire, se fixer sur les hématies du fœtus qui seront alors détruites par les cellules phagocytaires du foie fœtal induisant par la même une anémie hémolytique chez le fœtus ou le nouveau-né. La densité des antigènes Rhésus à la surface des hématies étant faible, les anticorps anti-Rhésus ne peuvent induire l’agglutination des hématies. Ainsi, la détection directe de ces anticorps a été impossible jusqu’à l’utilisation des Ac anti-Ig. Les IgG maternelles fixées sur les globules rouges du fœtus peuvent en effet être détectées si, après lavage des hématies fœtales, on ajoute des Ac anti-Ig. Ceux-ci vont induire l’agglutination des hématies fœtales sur lesquelles sont fixés les anticorps maternels. Ce test est appelé test de Coombs direct car il permet la détection directe d’anticorps fixés sur les cellules fœtales. Il existe aussi un test de Coombs indirect qui permet de détecter chez la mère la présence d’Ac anti-Rhésus. Dans ce test, le sérum de la mère est d’abord incubé avec des hématies Rhésus+, si la mère possède des anticorps anti-Rhésus, ceux-ci vont se combiner aux hématies. Après lavage des globules rouges, on ajoute les Ac anti-Ig qui induisent alors l’agglutination des hématies.


Les Ac anti-Ig sont largement utilisés pour le diagnostic et la recherche. Des Ac anti-Ig marqués peuvent être utilisés dans les techniques de RIA ou d’ELISA pour détecter des anticorps fixés sur des antigènes immobilisés. Des Ac anti-Ig spécifiques de chaque isotype d’immunoglobuline peuvent être produits en immunisant des animaux avec des préparations pures de chaque isotype. Ces anticorps peuvent ensuite être utilisés pour mesurer combien un anticorps d’isotype particulier peut se fixer sur un antigène donné et ainsi rendre compte du caractère approprié ou non de la réponse immunitaire. De plus, la détermination de l’isotype de l’anticorps spécifique de l’antigène revêt une importance toute particulière en allergologie dans la détermination de la présence d’IgE spécifique d’un allergène donné.

L’utilisation des Ac anti-Ig spécifique de chaque isotype d’immunoglobuline a permis de faire des progrès considérables dans la détection d’immunoglobulines monoclonales dans le sérum des patients rendant du même coup quasi obsolète la précédente technique d’immunoéléctrophorèse dans cette application. Cette technique a en effet été remplacée par la méthode dite d’immunofixation. Dans celle-ci, les protéines du sérum sont soumises à une électrophorèse en gel d’agarose puis incubées directement avec un anticorps anti-Ig totales, anti-IgG, anti-IgA et anti-IgM qui, après révélation au bleu de Coomasie, indiquera la présence de ces différentes immunoglobulines. Si le sérum du patient contient une concentration importante d’Ig monoclonales, l’homogénéité structurale de cette protéine va faire que toutes les molécules d’Ig monoclonales vont migrer sur le gel au même endroit. De plus, toutes les molécules d’Ig monoclonales ont le même isotype ce qui implique que seuls les Ac anti-Ig de l’isotype de l’Ig monoclonale vont pouvoir se fixer sur cette protéine. Enfin, la concentration importante de cette Ig monoclonale dans le sérum du patient va faire qu’elle deviendra détectable après coloration du gel au bleu de Coomasie et apparaîtra sur le gel comme un trait fin coloré en bleu dans la piste où à été déposé l’Ac anti-Ig dirigé contre l’isotype de la protéine monoclonale. Cette distinction isotypique des Ig monoclonales a une très grande importance en pathologie humaine. En effet, certaines maladies comme le myelome multiple sont associées à la présence dans le sérum des patients d’Ig monoclonale d’isotype IgG ou IgA alors que les patients atteint de maladie de Waldenström ont dans le sérum des Ig monoclonale d’isotype IgM.

 

 

       C – Les anticorps monoclonaux

 

Les anticorps générés au cours d’une réponse immune naturelle ou après immunisation sont en fait un mélange de molécules de spécificité et d’affinité différentes. Une part de cette hétérogénéité résulte de la production d’anticorps reconnaissant des épitopes différents à la surface de l’antigène. Mais, même lorsque les Ac reconnaissent le même épitope, il existe encore une certaine hétérogénéité qui peut d’ailleurs être mise en évidence par des différences de point isoélectrique entre les différents anticorps produits. Les Ac anti-Ig polyclonaux sont d’une grande utilité en biologie humaine mais ils présentent un certain nombre d’inconvénients liés à l’hétérogénéité des anticorps qu’ils contiennent. D’une part, chaque lot d’Ac anti-Ig est différent et ce même si une préparation antigénique identique a été utilisée pour immuniser selon un protocole standardisé un animal génétiquement identique. De plus, les volumes de réactif obtenus par cette méthode sont limités rendant impossible l’utilisation d’un même lot d’ Ac anti-Ig lorsque l’on souhaite réaliser des tests sérologiques au long cours. Enfin, certains antisérums peuvent contenir des anticorps ayant une réactivité croisée avec d’autres antigènes que celui ayant servi pour immuniser l’animal. Pour toutes ces raisons, il a été nécessaire de mettre au point une méthode permettant d’obtenir en quantité illimitée des anticorps de structure homogène et de spécificité donnée.

Il était connu de longue date que chez les patients atteints de myélome multiple on observe un envahissement médullaire de plasmocytes tumoraux. Les plasmocytes correspondent à l’étape de différenciation ultime des lymphocytes B. C’est au stade plasmocyte que les cellules B produisent des anticorps. Ainsi, chez les malades atteints de myélome multiple, la prolifération plasmocytaire se traduit par la présence dans le sérum des patient d’un pic à l’électrophorèse des protéines au niveau des gammaglobulines. Les plasmocytes tumoraux derivant tous d’une même cellules l’anticorps produit dans le sérum des patient est clonal et on parle donc de pic d’immunoglobuline monoclonal. Ces cellules myélomateuses de par leurs propriétés prolifératives et de synthèse d’anticorps représentaient donc une cellule de choix pour produire des anticorps monoclonaux si tant est que l’on était capable de leur faire produire l’immunoglobuline souhaitée. C’est à ce niveau que réside toute l’ingéniosité de la découverte de Köhler et Milstein. Ces chercheurs ont en effet mis au point une technique permettant de produire une population homogène d’anticorps de spécificité donnée en produisant un hybride entre un lymphocyte B immun et une cellule tumorale.

De façon pratique, Ils ont réalisé cet exploit en fusionnant des cellules spléniques de souris immunisée avec des cellules myélomateuses de souris. Les cellules spléniques apportent la capacité de produire un anticorps spécifique alors que les cellules myélomateuses outre leur caractère tumorale qui assure la prolifération quasi infinie de l’hybride apporte aussi toute la machinerie cellulaire nécessaire à la production de l’immunoglobuline monoclonale. En outre, l’utilisation de cellules myélomateuses ne produisant pas par elle-même d’immunoglobulines fait que l’anticorps produit par l’hybride vient seulement de la cellule splénique. La fusion des deux cellules se fait en utilisant du polyethylèneglycol. Après la fusion, les cellules hybrides sont sélectionnées en utilisant une drogue qui tue les cellules myélomateuses n’ayant pas fusionné. De leur coté, les cellules spléniques non fusionnées ont une demi-vie très courte et meurent naturellement quelques jours après la fusion. Finalement, seuls les hybrides survivent. Les hybridomes ainsi formés produisant un anticorps de spécificité voulue sont alors identifiés et cloné. Ainsi, chaque hybridome est un clone qui dérive de la fusion d’une seule et unique cellule B. De ce fait, les anticorps produits par cet hybridome sont tous identiques tant en terme de spécificité que de structure. Ces anticorps sont appelés anticorps monoclonaux. Cette technologie a révolutionné l’utilisation des anticorps en médecine et sont actuellement largement utilisés dans la plupart des tests sérologiques et même comme agent thérapeutique.

 

 

       D – Mesure de l’affinité des anticorps

 

L’affinité d’un anticorps représente la force de fixation entre un ligand monovalent et un épitope unique.

L’affinité d’un anticorps peut être déterminée directement par la technique de l’équilibre de dialyse. Une quantité connue d’anticorps est placée dans un boudin de dialyse dont la taille des pores ne permet pas la diffusion de l’anticorps dans le bain de dialyse. Des molécules d’antigène spécifique de l’anticorps sont placées dans le bain de dialyse. La petite taille de l’antigène lui permet de diffuser librement à travers la membrane et donc de se fixer sur l’anticorps. Les molécules d’antigène complexées à l’anticorps ne peuvent plus diffuser librement et restent dans le boudin de dialyse. La mesure de la concentration en antigène dans le boudin et dans le bain de dialyse permet de déterminer la quantité d’antigène fixé sur l’anticorps et ainsi de déterminer l’affinité de l’antigène pour l’anticorps. Les résultats sont généralement analysés en effectuant une courbe de Scatchard.


Alors que l’affinité mesure la force de liaison entre un déterminant antigénique et un site de fixation pour l’antigène, dans le cas d’un antigène possédant de multiple site antigéniques identiques l’anticorps peut interagir avec l’antigène par l’intermédiaire de l’ensemble de ses sites de fixation pour l’antigène. Ces multiples interactions possibles entre un anticorps et un antigène augmentent considérablement les forces de liaisons. La force globale de fixation d’un anticorps pour un antigène est appelé avidité. Ainsi, pour les IgM, chaque site de fixation pour l’antigène a une affinité faible, mais comme les IgM possèdent 10 sites de fixation l’avidité des IgM pour leur antigène est relativement forte.


Bien que la mesure de l’affinité des anticorps soit réservée au domaine de la recherche, la mesure de l’avidité d’anticorps spécifique d’antigènes infectieux est très utilisée en clinique humaine. La méthode employée pour réaliser cette mesure est une adaptation de la technique ELISA. L’antigène du micro-organisme est fixé au fond d’un puits en plastique. Le sérum du patient est alors ajouté. Si celui-ci contient des anticorps spécifiques du pathogène, ceux-ci vont se fixer sur l’antigène accroché au plastique. Dans la technique ELISA classique la présence de l’anticorps est révélée par un Ac anti-Ig marqué par une enzyme et convertion d’un substrat spécifique. Pour la mesure de l’avidité, on ajoute une étape supplémentaire. Après avoir ajouté le sérum du patient, les puits sont lavés avec un agent chaotropique (généralement de l’urée fortement concentrée) ce qui a pour conséquence de décrocher tous les anticorps de faible avidité. Ce test ne révèle donc que les Ac spécifiques de forte affinité. La comparaison de ce résultat avec celui obtenu avec la technique ELISA standard permet de savoir si le sérum du patient contient des anticorps de forte affinité spécifiques du micro-organisme. Cette détermination est particulièrement importante pendant la grossesse. En effet, durant cette période, la femme peut contracter des infections susceptibles d’être transmises au fœtus et causant pour certaines d’entre elles des malformations voir des morts in utéro. Il est donc primordial de surveiller le statut sérologiques des femmes enceintes vis à vis de ces micro-organismes. Généralement, la présence d’IgM dans le sérum de la mère signe une infection en cours alors que la présence d’IgG signe plutôt une infection ancienne. Cependant, la présence transitoire des IgM fait que chez certaine femme ayant une infection active on ne détecte que des IgG ce qui rend impossible le diagnostic d’infection récente ou ancienne. Un des moyens pour répondre à cette question consiste à mesurer l’avidité des anticorps produits. Dans le cas d’une infection active récente l’avidité des IgG sera faible alors que dans le cas d’une infection ancienne l’avidité sera forte.

 

E – Utilisation des anticorps dans la détection d’antigènes cellulaires ou tissulaires.

 

Les anticorps ayant la propriété de ce fixer de façon stable et spécifique sur un antigène, ces molécules peuvent être utilisés pour détecter la présence d’un antigène particulier sur une cellule ou dans un tissu. Tout comme dans les tests sérologiques, l’anticorps se fixe sur son antigène cible de façon stable ce qui permet par simple lavage d’éliminer les anticorps non fixés et de révéler uniquement la fixation spécifique de l’antigène. La plupart des anticorps reconnaissent des protéines antigèniques sous forme native (épitope conformationnel) ce qui nécessite que la structure tridimensionnelle de l’antigène soit préservée si l’on veut que celui-ci soit reconnu par l’anticorps. Dans ce cas, on utilisera un substrat antigénique : cellules ou coupes de tissu non fixées. Certains anticorps se combinent au contraire avec l’antigène dénaturé (épitope linéaire). Ces anticorps devront être utilisés sur des coupes de tissu ou des cellules fixées. L’anticorps une fois fixé sur l’antigène cellulaire ou tissulaire peut être visualisé en utilisant des méthodes de révélation extrêmement variées.

 

 

               E – 1 – Immunofluorescence directe et indirecte

 

Une des technique de détection les plus performantes pour détecter la présence d’un anticorps fixé sur un antigène tissulaire ou cellulaire est l’immunofluorescence. Dans cette technique, un colorant fluorescent (l’isothiocyanate de fluorescéine ou la phycoérythrine) est fixé de façon covalente à l’anticorps spécifique et permet la détection directe de l’antigène à analyser. On peut en outre utiliser des Ac anti-Ig fluorescents pour détecter des anticorps fixés sur l’antigène tissulaire on parle alors dans ce cas d’immunofluorescence indirecte. La lecture des coupes tissulaires ou des cellules ainsi marquées est réalisée à l’aide d’un microscope UV à fluorescence.

 

 

               E – 2 – Immunohistochimie

 

L’immunohistochimie est une méthode alternative à l’immunofluorescence pour détecter la présence d’un antigène sur une coupe de tissu. Dans ce cas, l’anticorps de révélation n’est pas couplé à un fluorochrome mais à une enzyme qui convertie un substrat incolore en un produit coloré insoluble qui se dépose au niveau de l’anticorps. Le résultat peut être observé directement en microscopie optique.

 

               E – 3 – Méthodes électrophorétiques

 

                      E – 3 – 1 – Immunoprécipitation

 

Si ces techniques permettent d’observer directement ou indirectement si un anticorps se fixe sur un antigène cellulaire ou tissulaire, on peut aussi utiliser les anticorps pour déterminer exactement la nature de l’antigène reconnu par un anticorps. Plusieurs méthodes permettent d’atteindre ce but. La première d’entre elles est la technique d’immunoprecipitation. Dans cette technique, les cellules contenant l’antigène à analyser sont incubées en présence d’acide aminé marqué. Ainsi, l’ensemble des protéines synthétisées par la cellule seront radioactives. Les cellules ainsi marquées sont lysées à l’aide d’un détergeant. L’anticorps spécifique de l’antigène à analyser fixé sur des billes d’agarose est alors ajouté au lysat cellulaire. Le complexe Ag/Ac est alors précipité, le culot de précipitation lavé pour éliminer les Ag non fixés. L’antigène est alors élué de l’anticorps par un détergent ionique : le dodecysulfate de sodium (SDS). Non seulement le SDS dissocie l’Ag de l’Ac mais il charge aussi négativement l’antigène. La préparation antigénique ainsi obtenue est alors déposée au sommet d’un gel de polyacrylamide pour y subir une électrophorèse (PAGE : PolyAcrylamide Gel Electrophoresis). Après application d’un courant électrique, les protéines antigéniques à analyser migrent vers le pole +. Le SDS chargeant de façon homogène l’ensemble des protéines, leur migration ne dépendra plus de leur charge mais uniquement de leur masse moléculaire. La position des protéines sur le gel, direct reflet de leur masse moléculaire est révélée par autoradiographie.

Cette technique de SDS-PAGE peut être combinée à une isoélectrofocalisation dans une méthode appelée électrophorèse bidirectionnelle. Dans ce cas, les protéines immunoprécipitées sont éluées dans un tampon non ionique à base d’urée et déposées sur un gel d’IEF qui permet la séparation des protéines en fonction de leur point isoélectrique. Apres la migration, le gel est démoulé et placé au sommet d’un gel de polyacrylamide contenant du SDS. Au cours de cette seconde étape, les protéines se séparent en fonction de leur masse moléculaire. Cette méthode augmente considérablement la sensibilité de détection et le pouvoir de résolution du SDS-PAGE.

 

 

                      E – 3 – 1 – Immunoempreinte ou Western blot

 

Une approche alternative pour éviter les problèmes liés à la manipulation de substances radioactives consiste à lyser les cellules directement dans un tampon riche en détergent. Le lysat cellulaire ou tissulaire ainsi obtenu est incubé avec du SDS et soumis à une électrophorèse en gel de polyacrylamide. Les protéines ainsi séparées en fonction de leur masse moléculaire sont alors transférées sur une membrane de nitrocellulose. Les membranes sont ensuite incubées avec un anticorps marqué spécifique. Après lavage pour éliminer la fixation d’anticorps non spécifique, la position des protéines est révélée à l’aide d’un Ac anti-Ig marqué avec un radioélément ou une enzyme. Cette méthode appelée Western blot a de nombreuses applications en biologie clinique. Elle permet notamment de détecter la présence dans le sérum des patients HIV+ d’anticorps spécifiques du virus et donc de contribuer au diagnostic de l’infection.

 

 

 

III – Etude de la réponse à médiation cellulaire

 

       A – Définitions

 

L’analyse de la réponse immunitaire repose en pratique clinique quotidienne sur l’étude de la réponse humorale et ce essentiellement pour des raisons pratiques. Les anticorps sont en effet les produits les plus accessibles de la réponse immunitaire adaptative. Cependant, les lymphocytes T interviennent à toutes les étapes, ce qui rend l’étude du devenir de cette population cellulaire indispensable. L’étude des lymphocytes nécessite au préalable leur séparation des autres éléments figurés du sang. Enfin, les différentes sous-populations lymphocytaires identifiées sur leurs différentes propriétés fonctionnelles doivent être analysées.

 

       B – Isolement des lymphocytes

 

Les lymphocytes peuvent être isolés du sang périphérique, de la moelle osseuse hématopoïétique, des organes lymphoïdes, des épithélium et des sites inflammatoires. La première étape consiste à séparer les lymphocytes des autres populations leucocytaires et des globules rouges par centrifugation sur gradient de densité. A cet effet, des solutions sont disponibles dans le commerce comme le métrizamide ou le Ficoll. La centrifugation du sang total sur ces solutions permet de séparer un anneau à l’interface entre le gradient et le plasma contenant des lymphocytes et des monocytes. Bien que les lymphocytes du sang périphérique soient les plus accessibles, ils ne sont pas forcement représentatifs du système lymphoïde puisque seuls les lymphocytes recirculant peuvent être isolés du sang. Chez l’animal, les lymphocytes sont plutôt isolés des organes lymphoïdes secondaires comme la rate ou les ganglions mais aussi des organes lymphoïdes primaires comme la moelle osseuse hématopoïétique ou le thymus, voire des épithélia. Enfin, les lymphocytes peuvent être collectés directement par ponction au niveau d’un site inflammatoire c’est le cas du liquide synoviale dans la polyarthrite rhumatoïde.

 

 

 

       C – Etude phénotypique des sous-populations lymphocytaires

 

               C – 1 – Généralités

 

Les lymphocytes au repos présentent une apparence uniforme. Ce sont des cellules rondes à noyau volumineux et dense et à cytoplasme peu abondant. Malgré ces caractéristiques morphologiques communes, les lymphocytes peuvent être divisés en sous-populations cellulaires aux caractéristiques fonctionnelles très différentes. On peut en effet différencier ces sous populations lymphocytaires en étudiant l’expression de protéines membranaires propres à chaque type de lymphocyte. Ainsi, les lymphocytes B et T peuvent être distingués par des anticorps reconnaissant des régions conservées des récepteurs pour l’antigène présents sur ces deux types cellulaires. Les lymphocytes T peuvent eux-mêmes être subdivisés en lymphocytes T auxiliaires et cytotoxiques sur la base de leur expression membranaire en protéine CD4 ou CD8.

 

C – 2 – Analyse des sous populations lymphocytaires par cytométrie en flux

 

La cytométrie en flux a permis de faire des progrès considérables dans l’étude des différentes sous-populations lymphocytaires. Cet appareil est utilisé pour identifier, voire pour étudier les propriétés fonctionnelles, de sous populations cellulaires à l’intérieur d’une population cellulaire hétérogène. L’identification des cellules repose sur l’utilisation d’anticorps monoclonaux marqués par un fluorochrome et spécifiques d’une protéine membranaire propre à la cellule à analyser. La première étape de la réaction consiste donc à incuber une population cellulaire avec un anticorps marqué qui se fixe spécifiquement sur une sous population cellulaire donnée. Après lavage dans une solution saline, les cellules sont analysées par cytométrie en flux. Dans cet appareil, les cellules sont aspirées dans une gaine liquide. Cette gaine liquide se termine par un fin capillaire ne permettant le passage que d’une cellule à la fois et donc d’analyser les cellules une par une. La cellule ainsi isolée passe devant le faisceau d’un rayon laser. Le passage de la cellule devant le faisceau laser à plusieurs conséquences. La première est d’induire une déviation du faisceau et la seconde est d’exciter les fluorochromes fixés aux anticorps et donc aux cellules à détecter et ainsi d’induire l’émission d’une fluorescence. Des photomultiplicateurs détectent les déviations du faisceau laser qui renseigne à la fois sur la taille et la granulosité des cellules. Ils détectent aussi les émissions de fluorescence indiquant la présence de l’anticorps sur la cellule et renseignent donc sur l’expression des divers molécules de surface présentes sur les sous populations lymphocytaires. Certains cytomètres sont également équipés d’un trieur de cellule. Ce dispositif permet de séparer et d’isoler la sous population lymphocytaire afin de faciliter son étude ultérieure. Lorsque les cellules sont marquées avec un seul anticorps fluorescent, les résultats du cytomètre sont généralement exprimés sous forme d’histogramme représentant en abscisse l’intensité de fluorescence et en ordonné le nombre de cellules analysées. Si au moins deux anticorps sont employés pour marquer les cellules (chacun des fluorochromes ayant des spectres d’émission différents), les résultats sont alors exprimés sous la forme d’un nuage de point avec en abscisse l’intensité de fluorescence du premier fluorochrome et en ordonné l’intensité de fluorescence du second. L’analyse par cytométrie en flux est couramment utilisée en immunologie. Par exemple, cet appareil a joué un rôle dans l’identification des sous populations lymphocytaires atteintes au cours de l’infection par le virus HIV.

 

 

C – 3 – Méthodes physiques de séparation et d’analyse des sous populations lymphocytaires

 

Bien que le cytomètre en flux soit particulièrement bien adapté à l’isolement d’un nombre restreint de cellules, lorsque l’on désire séparer rapidement une grande quantité de cellules les méthodes de séparation mécanique sont bien plus adaptées. Une méthode simple et élégante pour séparer des populations cellulaires consiste à utiliser des anticorps marqués par des billes magnétiques. Après incubation des cellules avec l’anticorps celui-ci se fixe spécifiquement sur une protéine membranaire présente à la surface des cellules à séparer. Les cellules sont alors déposées sur une colonne sur laquelle est appliqué un puissant champs électrique. A ce niveau, les cellules ayant fixé l’anticorps voient leur migration interrompue alors que les cellules non marquées migrent au travers de la colonne et sont éliminées. La colonne est alors lavée plusieurs fois avec une solution saline pour éliminer toute les cellules non fixées puis le champ magnétique est interrompu et les cellules qui étaient fixées migrent sur la colonne et sont récupérées.


Des méthodes encore plus simples peuvent être utilisées cependant la pureté de la population cellulaire à séparer est moins bonne. Ainsi, la technique du panning consiste à fixer sur une boîte de Pétri un anticorps spécifique d’une molécule de surface présente sur la cellule à séparer. La suspension cellulaire est déposée dans la boîte et incubée quelques heures à 37°C. Les cellules à séparer se fixent sur l’anticorps et se retrouvent donc accrochées au fond de la boîte de Pétri. Après plusieurs lavages en solution saline pour éliminer les cellules non fixées, il ne reste plus qu’à récupérer les cellules adhérentes. Une technique alternative consiste à éliminer les cellules indésirables en incubant la suspension cellulaire avec des anticorps monoclonaux spécifique de la molécule de surface présente sur ces cellules et d’ajouter à la suspension du complément qui détruira les cellules sur lesquelles se sont fixées les anticorps.

 

C – 4 – Cluster de différenciation

 

La conclusion principale de l’étude des sous populations lymphocytaires est que des lymphocytes exprimant des combinaisons particulières de protéines membranaires représentent en fait soit des cellules à des étapes de différenciation différente, soit des cellules ayant des propriétés fonctionnelles différentes. Pour ces raisons, ces molécules de surface ont été appelées antigènes de différenciation. Lorsqu’un groupe d’anticorps monoclonaux permet de reconnaître le même antigène de différenciation, on dit qu’ils définissent des clusters de différenciation et sont noté CD suivit d’un nombre définit de façon arbitraire. Ces clusters de différenciation sont à l’origine de la nomenclature actuelle des molécules de surface permettant de distinguer les différentes sous populations lymphocytaires.

 

       D – Etude fonctionnelle des sous populations lymphocytaires

 

               D – 1 – Réaction de prolifération lymphocytaire

 

Pour permettre une immunité adaptative, après stimulation par un antigène, les rares lymphocytes spécifique de cet antigène présents dans l’organisme doivent proliférer intensément avant de se différencier en cellule effectrice. Cette étape initiale de prolifération permet de générer assez de cellules effectrices pour faire face à l’agression antigénique. Le nombre de cellules qui prolifèrent à la suite d’une stimulation antigénique étant relativement faible et donc difficilement détectable, le système de mesure doit d’abord être calibré en utilisant des mitogènes polyclonaux. Ces substances ont pour propriété d’induire la prolifération des lymphocytes quelle que soit leur spécificité antigénique. Certains mitogènes agissent seulement sur les lymphocytes T (Concavaline A, Phytohemagglutinine), sur les lymphocytes B (LPS) ou indifféremment sur les deux populations (Pokeweed).

 

Les mitogènes polyclonaux induisent les mêmes mécanisme de prolifération que ceux induits par l’antigène. En effet, à l’état basal, le lymphocyte est une cellule au repos bloquée en phase G0 du cycle cellulaire. Lorsque ces cellules sont activées soit spécifiquement par l’antigène, soit de manière polyclonale par les mitogènes, les cellules passe au stade G1 et progressent ensuite rapidement dans le cycle cellulaire. Dans la plupart des études, la prolifération lymphocytaire est mesurée par l’incorporation de thymidine tritiée dans l'ADN des cellules en division. Ce type de test est couramment utilisé en clinique humaine pour mesurer si chez les patients ayant une suspicion de déficit immunitaire, les lymphocytes T sont capables de répondre à une stimulation antigénique spécifique ou non.

Lorsque la culture lymphocytaire a été optimisée en utilisant la réponse proliférative aux mitogènes polyclonaux, il devient alors possible de détecter la prolifération des lymphocytes T spécifiques de l’antigène in vitro en mesurant l’incorporation de thymidine tritiée en réponse à l’antigène vis à vis duquel les lymphocytes T du donneur ont été préalablement sensibilisés. Ce test permet l’évaluation de la réponse des lymphocytes T de type CD4+ auxiliaires. Cette méthode est un test global qui ne renseigne en rien sur les capacités fonctionnelles des cellules répondeuses.

 

 

               D – 2 – Mesure des fonctions effectrices des lymphocytes T

 

Les cellules effectrices sont détectées par les effets qu’elles induisent sur des cellules cibles présentant des peptides antigéniques spécifique à leur surface ou par la sécrétion de cytokines particulières agissant spécifiquement sur les cellules cibles. La mesure de ces fonctions effectrices est à la base de tests biologiques permettant d’évaluer aussi bien la spécificité du lymphocyte T pour l’antigène que l’activation des fonctions effectrices de la cellule T.

 

                      D – 2 – 1 – Réaction de cytotoxicité cellulaire

 

Les lymphocytes T CD8+ activés tuent toute cellule qui exprime à sa surface des complexes CMH de classe I/peptides susceptibles d’être reconnus par le récepteur de l’antigène du lymphocyte T (TcR). Ainsi, la fonction des lymphocytes T CD8+ peut être déterminée en utilisant un simple test de cytotoxicité in vitro. Dans ce test, des cellules cibles, généralement des macrophages syngéniques sont incubés avec l’antigène contre lequel ont souhaite déterminer l’intensité de la réponse cytotoxique essentiellement médiée par les lymphocytes T cytotoxiques CD8+. Le macrophage exprime alors à sa surface des complexes CMH de classe I/peptides spécifiques du TcR porté par le lymphocyte T CD8+. Les macrophages sont alors incubés avec du Chrome 51. Ce traceur radioactif diffuse dans les cellules vivantes et y reste emprisonné. Les cellules cibles ainsi préparées sont mise au contact de la suspension cellulaire contenant les cellules T CD8+ effectrices. Si la suspension contient des lymphocytes T cytotoxiques dont le TcR est spécifique du complexe CMH de classe I/peptide, ces cellules vont s’activer et détruire la cellule cible. La cellule cible libère alors en mourant le Chrome 51 dans le milieu de culture. Le dosage de ce radioélément reflète donc les fonctions effectrices des lymphocytes T cytotoxiques.

 

 

D – 2 – 2 – Mesure des cytokines produites par les sous-populations lymphocytaires

 

Les fonctions des cellules T CD4+ impliquent plus des phénomènes d’activation que des phénomènes de cytotoxicité à l’encontre de cellules cibles porteuses de complexes CMH de classe II/peptide spécifique. Lorsque les lymphocytes T CD4+ rencontrent à la surface d’une CPA un complexe CMH de classe II/peptide, le lymphocyte s’active et prolifère. Cette prolifération peut être mesurée par l’incorporation de thymidine tritiée. Après cette étape de prolifération, vient une étape de différenciation. Schématiquement, les lymphocytes T CD4+ peuvent se différencier en cellules Th1 ou Th2. La différence entre les deux population cellulaire vient du profil de cytokines sécrétée par ces deux types de cellules. Les lymphocytes T CD4+ de type Th1 produisent de l’IL-2 et de l’interféron-g alors que les lymphocytes T CD4+ de type Th2 produisent de l’IL-4, de l’IL-5, de l’IL-10 et de l’IL-13. Ces cytokines vont exercer leurs effets sur d’autres types cellulaires. Ainsi, les cytokines Th1 sont de puissants inducteurs de la réponse à médiation cellulaire et vont notamment induire l’activation des macrophages et des lymphocytes T CD8+, alors que les cytokines Th2 vont plutôt stimuler l’immunité à médiation humorale en favorisant l’activation et la différenciation des lymphocytes B. Ainsi, la mesure des cytokines produites au cours de la réponse lymphocytaire T CD4+ renseigne sur le type de réponse immunitaire induite après la stimulation antigénique.

 

D – 2 – 2 – 1 – Méthodes biologiques

 

Les cytokines peuvent être détectées par leur activité biologique sur des cellules dont la prolifération dépend de la présence de ces médiateurs solubles. Ces test n’ont plus qu’un interêt historique.

D – 2 – 2 – 2 – Méthodes Immunochimique

 

Le test le plus spécifique et le plus couramment utilisé pour doser les cytokines dérive de la méthode ELISA et est appelé ELISA sandwisch. Dans cette technique, un premier anticorps spécifique de la cytokine à doser est fixé au fond d’un puits en plastique. Cet anticorps est appelé anticorps de capture. Le surnageant de la culture lymphocytaire contenant la cytokine à doser est alors ajouté dans le puits. La cytokine se fixe alors sur l’anticorps. Après plusieurs lavages à l’aide d’une solution saline, un deuxième anticorps lui aussi spécifique de la cytokine mais reconnaissant un autre épitope sur la molécule est ajouté. Cet anticorps est marqué par une enzyme et est appelé anticorps de révélation. Si la cytokine est présente, elle va former un pont entre les deux anticorps, l’ensemble formant un complexe stable accroché au fond de la plaque. La détection de ce complexe et donc la présence de cytokines dans le milieu de culture sera révélée en ajoutant dans le puits le substrat de l’enzyme fixée sur l’anticorps de révélation, substrat qui sera alors converti en un produit coloré.


Une alternative à cette technique consiste non plus à détecter la cytokine elle-même mais à mesurer le nombre de cellules produisant cette protéine. Cette méthode est appelée ELISPOT. Dans cette technique, ce sont les cellules elles-mêmes que l’on dépose dans le puits recouvert d’un anticorps spécifique de la cytokine à doser. Après une courte période d’incubation, les cytokines produites par la cellule sont captées par les anticorps au contact de la cellule. Après lavage, on incube la plaque avec l’anticorps de révélation et on ajoute le substrat. La production de cytokine est détectée par des petites taches au fond du puits. La numération de ces taches rapportée au nombre de lymphocytes T déposé dans le puits indique le % de cellules produisant cette cytokine. Enfin, assez récemment est apparue une technique permettant de détecter les cytokines produites par les cellules T en utilisant la cytométrie en flux. Les cellules à analyser sont fixées puis perméabilisées de façon transitoire à l’aide d’une solution de Saponine. Un anticorps spécifique de la cytokine et marqué par un fluorochrome est incubé avec la suspension de cellules perméabilisées. Les pores membranaires permettent aux anticorps de diffuser dans la cellule et de se fixer sur la cytokine. Après un lavage dans un tampon ne contenant pas de Saponine, les pores de la membrane plasmique se referment emprisonnant les complexes cytokine/anticorps fluorescent. Il ne reste plus alors qu’à analyser la fluorescence des cellules par cytométrie en flux pour connaître le % de cellules produisant la cytokine.

 

D – 2 – 2 – 1 – Méthodes Moléculaires

 

Une approche un peu différente pour mesurer la production de cytokine par une cellule ou un tissu consiste à déterminer la présence et le niveau d’expression des ARN messagers codant cette cytokine. Ceci peut être réalisé par hybridation in situ ou par Northern blot. Toutefois, ces techniques s’avèrent peu sensibles. Un des moyens permettant d’augmenter la sensibilité de détection des ARN messagers codant une protéine consiste à utiliser la méthode de Reverse Transcriptase -Polymérase Chain Réaction (RT-PCR). La Reverse Transcriptase est une enzyme utilisée par certains virus à ARN pour convertir l’ARN viral en ADN complémentaire. Dans la méthode de RT-PCR, les ARN messagers sont convertis en ADNc par la reverse transcriptase. L’ ADNc choisit est alors amplifié sélectivement par réaction de polymérisation en chaîne en utilisant un couple d’amorces spécifiques. Lorsque les produits de la réaction d’amplification sont analysés par électrophorèse en gel d’agarose/BET, l’ADN amplifié peut être visualisé comme une bande de taille déterminée. La quantité d’ADN amplifié est proportionnelle à la quantité d’ARN messager présent au départ. La quantité des ARN messagers de cytokine est généralement déterminée en comparant l’intensité de la bande obtenue avec celle obtenue après amplification, dans les mêmes conditions, d’un gène « rapporteur » dont l’expression est constante dans toutes les cellules. Des techniques plus quantitatives utilisant un plasmide compétiteur (PCR compétitive), des amorces fluorescentes (procédé TaqMan ou Lightcycler) ou des PCR-ELISA sont actuellement en cours de développement.